Le Diable dévot, de Libar M. FOFANA
Hèra est l'unique fille de l'imam Galouwa, son destin est marqué d'une double indignité, celui d'être une fille et d'être matricide. Elle a tout juste treize ans, et fait de son mieux pour servir son vieux père, qui ne pense plus qu'à une chose, celle d'accomplir le pèlerinage à la Mecque, qui sauvera sa position d'Imam et ses privilèges. Sa dévotion va le pousser à commettre l'inavouable, et vendre sa fille, au nom de sa foi.
Le combat de cette enfant sacrifiée, et son réveil après le long cauchemar d'une enfance perdue, sont une troublante illustration de la force humaine et de tous les possibles. L'amour sauvera Hèra.
L'écriture est réaliste, cruelle, et le récit est par moment éprouvant. Ce roman nous parle crument de la fracture entre dévotion et sacrifice, de la condition féminine dominée par les traditions avilissantes servant la toute puissance du mâle.
Extrait
« Le camion déposa Héra à environ dix kilomètres de son village. Comme beaucoup de paysans, elle n'avait aucune notion des distances. Pour elle, un endroit était « loin » ou « pas loin » selon son courage et sa motivation du moment. Elle prit son baluchon et se mit en route. Elle allait en retenant ses pas, et elle se demandait quelle serait la réaction de son père. Cependant, elle était sûre d'une chose : elle n'était plus la même Héra. Ce qu'elle avait enduré ces derniers mois avait fait d'elle quelqu'un d'autre. Cette transformation était d'abord physique. Son corps, qui avait sécrété toutes sortes d'hormones, s'était encore développé, et son joli visage portait des marques de blessures internes. Mais la métamorphose la plus importante, quoique la moins visible, s'était opérée au fond d'elle. Elle savait qu'elle ne serait plus la jeune fille soumise qui subissait les injustices en silence, et que pour être heureuse elle devait se libérer de la tyrannie de son père ».
Libar M. Fofana
Libar M. Fofanaest né en 1959 à Conakry, en Guinée. À dix-sept ans, il fuit son pays et le régime du président Sékou Touré pour s'exiler en Europe. Si Libar Fofana parle de la douleur, c'est que lui-même la connaît bien. il se voit contraint de fuir son pays à l'âge de 17 ans alors que son père est enfermé et torturé dans la célèbre prison de Camp Boira. Pour échapper à la haine portée aux Peuls, considérés comme étant des ennemis de la révolution marxiste, Libar Fofana gagne le Mali à pied, puis la Côte d'Ivoire, d'où il s'embarque pour l'Europe. Après trois ans de travaux divers, il s'installe en Suisse et suit une formation en génie électrique à Genève. En 1984, il arrive en France. Diplômé d'informatique à Aix-en-Provence, il travaille pendant dix ans à la Chambre de Commerce et d'Industrie de Marseille. La douleur, c'est elle aussi qui conduit Libar Fofana à l'écriture. C'est en effet en 1993, quand il perd une grande partie de son audition lors d'un concert, que commence son aventure littéraire. À l'hôpital, il se met à écrire : incapable de lire sur les lèvres, on lui donne un crayon et papier pour s'exprimer. Après sa convalescence, il continue à écrire, d'abord des textes courts puis des nouvelles. Ingénieur en informatique, il vit actuellement à Marseille.
Il a déjà publié trois romans aux Éditions Gallimard, dans la collection Continents Noirs : Le fils de l'arbre (2004), N'Körö (2005), Le cri des feuilles qui meurent (2007).
Le diable dévot est le quatrième roman de Libar M. Fofana.
ILS EN PARLENT AUSSI
AFRICULTURES >>http://www.africultures.com/php/index.php?nav=personne&no=6558<<
RAPHAËL (Lectures, analyses et réflexions de Raphaël) >>http://raphael.afrikblog.com/archives/2010/06/11/18242279.html<<
CONSTANCE93 (Petites lectures entre amis) >>http://petiteslecturesentreamis.wordpress.com/2010/05/07/le-diable-devot-de-libar-m-fofana/<<
Et un entretien avec Libar M. Fofana sur TV5Monde, par Claude Vittiglio >>http://www.tv5.org/TV5Site/webtv/video-7332-Libar_M._FOFANA_entretien.htm<<
Roman - Ed. Gallimard, Coll. Continents noirs - 2010
Lavaur, le 18/08/2011.
Chantal DIMIER, de l'association Ebenbao, nous a adressé cette "Lecture partagée"