Loin de mon père, de Véronique Tadjo
« J'ai l'impression d'être à deux pas de toi, et pourtant un gouffre nous sépare "»
C'est ainsi que commence le roman de Véronique Tadjo.
Entre distance et rapprochement, entre amour et incompréhension, le récit d'une fille qui découvre son père au moment où celui-ci disparaît.
Née d'un père ivoirien et d'une mère française, Nina vit en France.
Elle revient en Côte d'Ivoire pour y enterrer son père et en organiser les funérailles.
Ne pas blesser les vieux du village, respecter les préséances, la généalogie familiale, les traditions, tout était organisé par la famille.
Ces règles et ces usages lui échappaient, elle n'était plus là depuis si longtemps.
Elle cherche sa place dans ce pays fissuré, au bord du chaos, elle, métisse, en quête d'enracinement.
Puis les révélations se feront pressantes, et l'héritage du père tant aimé n'en deviendra que plus inattendu.
C'est une plongée dans l'hypocrisie familiale, sans jugement, mais sans complaisance sur les agissements de ces intellectuels africains ancrés dans la tradition malgré la culture et la modernité apparente.
La mort du père suscite en elle, un désir de créer de nouveaux liens, comme une nécessité vitale de refonder la vie après la mort.
Extrait
« Vers la fin de sa vie, le père avait restreint ses mouvements.
Il ne se déplaçait que de sa chambre à la salle à manger, puis au bureau.
Le reste ne l'intéressait pas.
Il pouvait y avoir des fuites d'eau, des carreaux cassés ou des rideaux déchirés, cela n'avait plus d'importance pour lui.
Il s'était progressivement détaché de tout ce qui se trouvait en dehors de son espace.
Il vivait à l'intérieur de sa solitude peuplée par des regrets dont il était le seul à connaître la vraie nature.
Ressassant des blessures et des règlements de compte avec lui-même, il avait terni.
C'était donc contre cette saleté de la vie que Nina se battait. Frotter, essuyer, laver, que fallait-il donc faire pour effacer le temps ?
Malgré son amour, elle avait été incapable de protéger son père.
Tout comme elle n'avait pas réussi à le sortir de son enfermement. »
L'auteur
Véronique TADJO a été élevée à Abidjan.
Docteur en études afro-américaines, elle a enseigné à l'université nationale de Côte d'Ivoire pendant plusieurs années avant d'être amenée à vivre en France, aux Etats-Unis, en Angleterre, au Kenya, puis en Afrique du Sud, à Johannesburg où elle réside actuellement.
Poète et romancière, elle est aussi auteur de livres pour la jeunesse qu'elle illustre elle-même.
Elle a écrit plusieurs romans et recueils de poèmes et consacré une partie importante de son œuvre à la jeunesse.
Elle a écrit notamment en 2000, « L'ombre d'Imana » journal de voyage recueil de témoignages consacrés au Rwanda de l'après-génocide, et en 2005 « Reine pokou » histoire et légende fondatrices de la Côte d'Ivoire, couronné par le grand prix littéraire d'Afrique noire.
« Loin de mon père » est son dernier ouvrage.
Cette lecture est partagée par Chantal Dimier – Association Ebenbao, Lavaur, 25/01/2011 - Merci à Chantal
En complément
* Sur le blog littéraire CHEZ GANGOUEUS : une autre lecture par un blogueur averti
* Albert Londres, dans "Terre d'ébène" (1928) consacre un chapitre "Drame dahoméen" à des funérailles. Un jeune prince dahoméen, exilé dans l'enfance et devenu avocat à Bordeaux, revient au pays pour les funérailles de son père. Quand on parle de distance...
* Sur TV5MONDE Un entretien de 7 minutes avec Véronique Tadjo, à propos de ce livre
Editions Actes Sud