Maryse CONDE – La vie sans fards
Elle est issue de la petite bourgeoisie de Guadeloupe, de ce qu’elle appelle « Les grands nègres ».
Ses parents faisaient partie des premières familles noires aisées et cultivées.
Premier couple de noirs à posséder une voiture, à se faire bâtir une maison de deux étages à passer leurs vacances au bord de la rivière. Elle va être élevée dans l’ignorance de la société qui l’entoure.
Maryse CONDE raconte, se raconte, et nous partageons avec elle les années post décolonisation, la vie politique des pays d’Afrique qu’elle traverse, Côte d’Ivoire, Sénégal, Guinée, Ghana.
Sa conscience politique va s’aiguiller au fur à mesure de ses rencontres avec de grands personnages, mais également au fur et à mesure des évènements importants que ces pays vont vivre alors qu’elle y séjourne.
Sa vie est rythmée au gré des amours fait d’attentes, d’imagination et de déception.
En quête de ses racines, elle va se confronter à ce qu’elle ne pouvait imaginer, le regard de l’Afrique sur les Antillais, étrangère parmi les siens.
Elle attache une grande importance à ce qu’elle appelle l’identité noire, et nous livre avec ce roman un témoignage de vie de femme libre, aimante, ayant la volonté farouche de se réaliser.
La vie sans fards est le récit d’un destin fait de déboires, mais également de bonheurs et de rencontres.
Extrait
« La culture n’a jamais la translucidité de la coutume. La culture fuit éminemment toute simplification….
Vouloir coller à la tradition ou réactualiser les traditions délaissées, c’est non seulement aller contre l’histoire, mais contre son peuple.
Combien de fois par la suite ai-je cité ces phrases ?
C’est de cette époque-là que je me détachai passablement d’Aimé Césaire, tout en continuant d’admirer sa poésie et devins une Fanonienne convaincue. Mon nouvel engagement ne changeait pas grand-chose à ma vie.
Il n’y avait, à ma connaissance, pas de réunion secrète et clandestine autour de moi.
L’opposition guinéenne était peu organisée à l’intérieur et se situait principalement à l’extérieur du pays. Le mythe entourant Sékou Touré était tel que les opposants étaient uniformément assimilés à des contre-révolutionnaires et peu écoutés. L’accueil réservé à mon roman « Heremakhonon » paru en 1976 en est la preuve.
Que j’ose peindre Sékou sous les traits du dictateur Malimwana offusqua journalistes et lecteurs à la fois…….
Comme il me devenait impossible de commander des livres à Dakar, j’allais en emprunter chez Yolande qui possédait avec Louis une magnifique bibliothèque.
Des centaines d’ouvrages tant en français qu’en anglais, soigneusement étiquetés et classés. Yolande m’accueillait avec enthousiasme, se réjouissant que j’aie repris goût aux choses de l’esprit.
« Louis ne cesse de dire qu’un jour, vous nous surprendrez tous m’assurait-elle.
En faisant quoi ? me moquais-je.
Elle prenait son air inspiré : « Je vous vois bien écrivant des romans. »
Nous riions toutes les deux de cette bonne plaisanterie. Elle poursuivait :
« Vous avez d’incontestables talents de conteuse.
Par exemple quand vous me décrivez votre enfance dans votre famille de Grands Nègres. »
En effet, Yolande était la seule personne avec qui je parlais quelquefois de moi. Pourtant, durant ces années-là, l’éventualité d’écrire ne m’effleurait même pas.
La situation de Condé avait changé, il n’était plus à Conakry que le week-end et passait le reste de la semaine dans les régions……. »
L’auteur
Maryse Condé (Philcox) est née à Pointe-à-Pitre en 1937. Elle est la cadette d'une famille de huit enfants. Ses parents sont originaires de la Guadeloupe. Maryse Condé a quitté sa famille à l'âge de 16 ans pour poursuivre ses études en France. En 1959, elle a épousé Mamadou Condé, un acteur d'origine africaine. Elle part ensuite pour la Côte d'Ivoire et enseigne pendant une année à Bingerville. En 1962, elle rejoint son mari en Guinée mais, deux ans plus tard, elle part seule pour le Ghana. Dans les années soixante-dix, elle quitte l'Afrique pour s'installer en France. En 1982, elle épouse Richard Philcox, le traducteur de la plupart de ses romans. En 1985, elle obtient une bourse Fulbright pour enseigner aux Etats-Unis et séjourne pendant un an à Los Angeles. En 1986, elle rentre à la Guadeloupe mais garde un pied aux Etats Unis. Ses 13 œuvres de fiction (traduites en de multiples langues) lui ont valu de nombreuses récompenses, dont le Grand Prix littéraire de la femme (1986) et le prix Yourcenar (1999). Avec son mari Richard Philcox, elle partage son temps entre New York, où elle enseigne à Columbia University, et la Guadeloupe. (2002) Maryse Condé, pour qui le devoir de mémoire en ce qui concerne l’esclavage est primordial, préside le comité pour la mémoire de l'esclavage, qui fut créé à la suite de la loi Taubira de 2001, le reconnaissant comme crime contre l'humanité.
A ce titre, l'écrivaine proposa à Jacques Chirac président de la république française de fixer une journée annuelle de commémoration de l'esclavage, chose qui fut faite en 2006, en choisissant la date du 10 mai.
Aller plus loin avec ...
Dossier présentant l'auteure sur Île en île : Maryse Condé.
Dossier sur Africultures : Maryse Condé
Sur Africultures, un long et bel article de joël Des Rosiers : "Le livre du devoir ou les maternités impitoyables de Maryse Condé"
Podcast - RFI, idées - "Maryse Condé : «La vie sans fards» Une jeunesse africaine", par Pierre-Edouard Deldique. Entretien en deux parties : 1ère partie, 19mn - 2nde partie, 26mn - 16/09/2012 - L'entretien porte sur une approche générale de la vie de Maryse Condé. Il approche les notions d'appartenance au mondes créoles, africains, français.
Podcast - France culture, Les bonnes feuilles, entretien >> "La vie sans fards" de Maryse Condé - 14 août 2012
Film en ligne : Maryse Condé : Une voix singulière - Film sur la vie et l'oeuvre de Maryse Condé en trois séquences : New York, Paris et Guyane française. - Réalisateur: Jérôme Sesquin - Diffusé sur France 5 en décembre 2011. 52 minutes
Editeur : J.C. Lattès - Août 2012
Cette lecture partagée nous a été adressée par Chantal DIMIER, de l'association Ebenbao - Lavaur, 20 janvier 2013.
[Réd. 2013-04-26]